Revendications et luttes dans la colonie britannique - Capsule 4 – Tensions politiques et sociales
Un tel régime politique ne peut faire autrement que d’amener
de vives tensions politiques et sociales entres les différents groupes qui
s’opposent. D’un côté on trouve le
gouverneur et les membres des Conseils, et de l’autre on trouve la Chambre
d’Assemblée, dans laquelle le Parti Canadien est majoritaire. À plusieurs occasions, il y eu des affrontements
pour lesquels chacun des camps a voulu défendre ses propres intérêts. Un de ces enjeux, c’est le débat sur les
langues. Dès la mise sur pied de la Chambre d’Assemblée, la question du choix
de la langue utilisée pour voter les lois sera débattue entre les Britanniques
et les Canadiens. Majoritaires à la
Chambre d’assemblée, les députés Canadiens font du français et de l’anglais
deux langues officielles par une loi adoptée après trois jours de débats. Malgré le compromis que les députés ont voté
démocratiquement, c’est Londres qui va clore le débat en faisant de l’anglais
la seule langue officielle. Les
autorités britanniques font du français une langue qui peut être utilisée
pendant les débats ou comme langue de traduction, mais elle n’a pas de valeur
officielle. Un autre débat parlementaire
important fut celui sur le financement de la construction des canaux. À cette époque, le transport se fait avec des
bateaux-vapeur qui sont de plus en plus des gros, ce qui nécessite la construction
de canaux comme le Canal Lachine. Les
députés canadiens sont d’accord avec le principe des canaux, mais ils refusent
de financer des canaux qui ne profiteraient qu’à la bourgeoisie marchande et au
Haut Canada. Le Parti Canadien préfère plutôt
consacrer l’argent public au développement de l’agriculture.
En 1834, le Parti Patriote de Louis-Joseph Papineau présente
les 92 résolutions, un manifeste dans lequel il réclame notamment le contrôle
du budget par la Chambre d’assemblée, l’élection des membres du conseil
législatif, mais surtout la reconnaissance de la responsabilité
ministérielle. Quand on applique ce
principe, ceux qui forment le conseil
exécutif sont choisis parmi les membres du parti qui est majoritaire à la
Chambre d’assemblée. Par exemple, c’est
Papineau et d’autres membres du Parti Patriote qui auraient pu former gouvernement,
qu’on appelle conseil exécutif, si la responsabilité ministérielle avait été
appliquée à cette époque. Quand ce
principe est appliqué, on dit du gouvernement qu’il est responsable. Ainsi, il est redevable de la Chambre d’assemblée
et doit donc lui rendre des comptes.
Cette dernière doit accorder sa confiance au gouvernement pour qu’il
puisse rester en poste.
Il faut attendre jusqu’en 1837 pour recevoir enfin la
réponse officielle de la Grande Bretagne aux 92 résolutions. Londres refuse, avec les résolutions Russel, toutes
les demandes des Patriotes. C’est à
partir du printemps de la même année que des assemblées populaires sont
organisées par le Parti Patriote, là où on propose notamment de boycotter les
produits britanniques. Le gouverneur craint
que ces assemblées ne dégénèrent et en interdit la tenue, ce qui provoque la
colère de la Chambre d’assemblée qui refuse toujours de voter le budget. Devant cette paralysie parlementaire, le
gouverneur utilise son pouvoir de dissoudre la Chambre d’assemblée. Le système politique est devant une
impasse. Le ton monte durant les
assemblées publiques, notamment à celle des Six-Comtés qui a lieu en
octobre. C’est toutefois au moins de
novembre que la situation dégénère quand un affrontement survient entre les
Fils de la Liberté, une association paramilitaire patriote, et le Doric Club, un groupe paramilitaire
britannique quant à lui fidèle au roi. Le
gouverneur va peu de temps après ordonner l’arrestation plusieurs chefs
Patriotes, dont Papineau lui-même. Le 23
novembre, à St-Denis, dans la vallée du Richelieu, a lieu la première bataille
officielle entre les Patriotes et les Britanniques, qui se solde avec la seule
victoire des Patriotes. D’autres
batailles ont lieu, notamment à St-Charles, mais elles se solderont toutes par
des défaites du camp patriote. Le
gouverneur, en plus de mettre la tête de Papineau à prix, va suspendre les
droits civils et proclamer la loi martiale.
La dernière bataille a lieu à St-Eustache, dans le comté de
Deux-Montagnes, où plusieurs leaders patriotes sont tués. En guise de représailles, des villages, comme
celui de St-Benoit, sont brûlés par les Britanniques.
Suite à ces défaites, plusieurs Patriotes prennent la fuite
vers les États-Unis. Durant l’hiver, ils
organisent société secrète, les Frères chasseurs, qui planifie une deuxième
rébellion, menée cette fois par Robert Nelson. Pour y arriver, Nelson rédige une déclaration
d’Indépendance du Bas Canada, une déclaration qui s’inspire fortement du
libéralisme, qu’il compte mettre en pratique suite à l’invasion de la colonie. Cette deuxième rébellion, de courte durée,
est rapidement matée par les Britanniques à Odelltown, près de la frontière américaine.
La situation dans le Haut Canada est aussi explosive que
celle dans le Bas Canada. Des
réformistes font des revendications semblables à celles des Patriotes dans la
Déclaration de Toronto, en juillet 1837.
Ils s’opposent au Family Compact, un groupe conservateur de familles
puissantes qui dominent l’économie de la colonie. C’est William Lyon Mackenzie, le chef
réformiste, qui prend la tête d’un petit groupe armé qui tente de renverser le
gouvernement en place. Il obtient
cependant le même résultat que les Patriotes : ses troupes sont défaites
par les forces de l’ordre britannique et 13 personnes seront exécutées pour
leur action dans ces actes de Rébellions.
C’est en 1838, entre les deux rébellions, que lord Durham
est nommé gouverneur spécial par la Grande-Bretagne pour faire enquête sur la
situation dans les colonies. Pour
apaiser les esprits, Durham accorde l’amnistie à plusieurs Patriotes et ordonne
l’exil pour huit d’entre eux aux Bermudes, une décision qui sera plus tard
désavouée par la Grande Bretagne. Cette
clémence de Durham n’empêchera pas un conseil spécial, en 1839, d’ordonner la
pendaison de douze Patriotes à la prison de Montréal suite à un procès que
plusieurs trouvent douteux. Ces
exécutions feront l’objet de deux films dans les années 1990.
Dans son rapport, lord Durham donne en partie raison aux
Patriotes en recommandant à la Grande Bretagne l’octroi d’un gouvernement
responsable dans ses colonies.
Cependant, il explique la révolte armée des Patriotes par un conflit
entre deux races. Selon lui, la seule
façon de remédier à ce conflit, c’est par l’assimilation des Canadiens
français. Pour y arriver, il croit qu’à
long terme, il faut favoriser l’arrivée massive de colons britanniques. En attendant, il prône l’union des deux
Canadas à court terme puisqu’en réunissant les deux colonies, il réunit aussi
les deux Chambres d’assemblée, ce qui permet aux Britanniques d’assurer leur domination
politique sur les Canadiens français en étant majoritaires dans celle-ci.
Avec le rapport Durham, les Canadiens français prennent de
plus en plus conscience qu’ils font partie d’une nation différente de celle des
Britanniques. Certains propos de Durham,
ainsi que la menace de leur assimilation poussent, ceux-ci à vouloir affirmer
leur nation en prenant des mesures pour assurer la survie de leur culture, de leur
religion et leur langue.
En 1840, la Grande Bretagne met en place l’Acte d’Union,
dans lequel certaines des recommandations de Durham sont appliquées. Il n’y aura toujours pas de gouvernement responsable
dans la colonie avant encore quelques années, mais l’union qu’il proposait est
devenue réalité. Cette union est
dénoncée de toute part du côté des Canadiens français, qui, plus que jamais, craignent
pour la survie de leur nation.
Revendications et luttes dans la colonie britannique - Capsule 4 – Tensions politiques et sociales
Reviewed by Jimmy Grenier
on
26 mars
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